On pouvait apprendre par le Midi Libre du 05 juin 2012 qu’une question vedette à l’ordre du jour du dernier Conseil municipal du Grau du Roi avait été retirée avant séance, suite à « des éléments connus dans les dernières heures précédant le conseil. »
Si nous ignorons la teneur exacte de ces derniers éléments (mais nous en avons une idée), nous savons néanmoins que la question « vedette » concernait la « mise en sauvegarde de la société RESITEL, gérante de l’hôtel Résidence de Camargue », société aussi peu pressée que l’équipe Mourrut de communiquer sur un naufrage annoncé et une gestion calamiteuse. En attente du miracle qui assainirait la situation, faisons le point sur les éléments connus et reprenons les constatations faites par la Chambre Régionale des Comptes de Languedoc-Roussillon dans son rapport 2012.
A savoir : L’hôtel Résidence de Camargue appartient à la commune du Grau du Roi depuis 2004, qui en a confié la location-gérance à la société «Lagrange-RESITEL ».
Un premier constat sur les recettes qui auraient dû découler de cette location tient à leur stagnation sur la période 2004-2009 (progression de seulement 1,1 % en moyenne par an).Par contre, les charges sont en progression de 18 % par an en moyenne depuis 2004. Ainsi, sur cette même période certaines charges d’exploitation ont progressé de 903 K€ à 2 114 K€ en cinq ans. La chambre souligne l’importance de la dotation 2009 aux amortissements : 1 610 110 € (dont 729 047 € sont relatifs au seul hôtel Résidence de Camargue) pratiquement multipliée par 9 par rapport à l’année 2004. De même, la chambre constate que certaines charges sont supportées par le budget principal alors même qu’elles relevaient du budget annexe, participant ainsi à un équilibre artificiel du budget annexe. Ceci noté, revenons un peu en arrière.
Ce complexe touristique important (402 appartements, 3 piscines, un restaurant et une superette à l’origine) a été créé en 1981 par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nîmes en vue de répondre à une demande de d’hébergements touristiques que le secteur privé n’arrivait pas, à l’époque et selon les protagonistes, à satisfaire. L’ensemble appartenait à la « SCI CAMARGUE », l’exploitation était assurée par la « SA GEXTOUR » (actuellement en liquidation), deux filiales de la CCI.
En 2003, la CCI signifie son intention de se séparer du complexe pour lequel elle a un acheteur, mais la commune du Grau-du-Roi fait valoir son droit de préemption et se porte acquéreur par un acte de vente en date du 30 décembre 2003. Via le conseil municipal du 14 janvier 2004, Etienne Mourrut annonce que l’objet de cette opération immobilière est de « préserver un outil économique (…) qui favorise le développement des loisirs et du tourisme sur la ville », et à fin que la commune « … puisse avoir un revenu patrimonial important, ce qui sera le cas dans une quinzaine d’années », dixit.
On applaudirait presque ce regard tourné vers l’avenir si cette opération ne révélait des conditions d’acquisition particulières, et c’est toujours la Chambre des Comptes qui souligne, pas la rédaction de Sémaphores.
En effet, le fonds de commerce a été cédé par la société GEXTOUR pour une valeur de 650 000 € alors que le service du Domaine avait estimé la valeur vénale à 2 500 000 €,
Cependant, l’ensemble immobilier a été cédé par la « SCI DE CAMARGUE » au prix de 14 100 000 € alors que la valeur vénale du bien était estimée à 12 050 000 € par le même service du Domaine (cf compte rendu du même conseil municipal du 14 janvier 2004). Le complexe touristique, ensemble murs et fonds de commerce (y compris la licence IV), a donc été acheté pour une valeur totale de 14 750 000 €, c’est-à-dire supérieure de 200 000 € à l’estimation haute, voire supérieure de 1 380 000 € à l’estimation basse des Domaines.
Par ailleurs, l’acquisition du fonds de commerce était financée par un contrat de prêt auprès de la Caisse Régionale du Crédit Agricole du Gard, pour un remboursement de 660 000 € s’effectuant sur 5 ans. Quant au financement de l’ensemble immobilier, il est assuré par un emprunt de 14,2 millions d’euros, toujours auprès du Crédit Agricole mutuel du Gard, à taux fixe de 4,65 % par an, remboursable trimestriellement sur une période de 25 ans.
Au titre de cet emprunt, la commune a payé, par exemple en 2009, une annuité de 967 402 € dont 581 401,28 € d’intérêts.
Mais il n’y a pas que les intérêts qui soient « chers ». Il arrive que les « intéressés » le soient aussi. Et qu’on flirte donc d’assez près avec les conflits d’intérêt. C’est ainsi que, par delà ces opérations d’emprunt, la chambre souligne le risque juridique constitué par la présence d’un conseiller municipal, alors employé du Crédit Agricole, lors des délibérations. (…) La prudence aurait dû conduire ce conseiller à se retirer du vote, ce que n’atteste pas le registre des délibérations du 3 novembre 2003 qui, au contraire, montre que ledit conseiller a bien participé au vote.
Enfin, le 27 juillet 2005, la commune emprunte aussi auprès de la Société Générale la somme de 400 000 € afin de financer des travaux de réhabilitation de l’hôtel « Résidence de Camargue ».
Tout d’abord la gestion du complexe a été confiée, par un contrat de location gérance en date du 22 janvier 2004, à la société anonyme « RESITEL-Groupe Lagrange» moyennant le paiement d’un loyer annuel hors taxe de 1 450 000 € qui devait être révisé annuellement pour une période de 8 ans à compter du 1er janvier 2004.
Ce contrat a fait l’objet successivement de 2 avenants.
Si le premier avenant ne suscite pas d’observations particulières, le second, en date du 9 février 2009, prolonge de huit ans à compter du 1er janvier 2012 la location et fixe le loyer annuel à 1 637 551,34 €, maintenu sur 2008 et 2009 sans que les indices de révision initialement prévus ne s’appliquent.
L’équipe Mourrut justifie cette faveur en regard de la prise en charge par le locataire-gérant des travaux de rénovation de 107 appartements pour un coût alors estimé à 800 000 € HT.
Rénovez, rénovez, il en restera toujours quelque chose ! Mais est-ce bien sûr ? Voici, par exemple, quelques témoignages qu’on peut trouver aujourd’hui sur le Net en provenance de vacanciers qui avaient cru bon faire confiance à la société Lagrange-RESITEL.
Avis postés sur les forums
« Logement vieux, sale et vétuste. Pas de micro onde alors que c’est stipulé dans le descriptif. Il faut être contorsionniste pour faire la vaisselle tellement la cuisine est mal agencée. Literie d’un autre âge. Nous avons dû faire le ménage en arrivant. Cuisinière rouillée… Bref du coup, pour nos premières vacances depuis 3 ans, nous avons écourté notre séjour. »
« Le logement est quand même à rénover de À à Z, literie moyenne (matelas sales, pas d’alèse), pas de micro ondes, peu de rangement… »
« Le logement est étroit, avec 2 placards de rangement pour 6 personnes et d’une chaleur épouvantable ! La nourriture laisse à désirer. Elle est très peu variée et pas bonne. Pour le prix qu’on a payé, c’est très décevant ! Changez vraiment de destination. Une famille. »
« La rénovation, je ne l’ai pas vue. Formule en pension complète : Bien mais trop de frites et de nuggets pour les enfants, manque de variété. Le vin compris est horrible ! »
« Je ne suis pas près d’y retourner ! »
« Nous avions réservé 4 nuits pour passer un séjour agréable avec nos deux enfants, dans de bonnes conditions, mais cela a été plutôt galère. Pour commencer, décharger les bagages loin de l’appartement, le parking payant, ensuite l’état de l’appartement. Un lit de 140×190 au milieu du salon, aucun espace pour bouger, mobilier d’intérieur dépassé, les toiles d’araignées dans les sanitaires, la lunette des toilettes cassée, manque des ustensiles de cuisine, pas de chaises de jardin… Et pour finir aucune intimité, les voisins installés à deux mètres de votre terrasse en train de boire de la bière et autre alcool devant les enfants, jouer aux raquettes pratiquement sur notre emplacement .De plus si vous voulez des pains aux chocolats cru ils ont les meilleurs. Le coté positif c’est d’être à coté de la plage. »
Voilà pour n’en citer que quelques-uns. Comme tourisme de qualité impliquant directement la commune on devrait pouvoir faire mieux.
En fait, l’exploitation du complexe touristique « Résidence de Camargue» a présenté quelques difficultés dès l’origine. Exploitation commerciale assurée par la « SA GEXTOUR » avec pour proprio la « SCI CAMARGUE», la situation comptable et financière de ces sociétés s’est révélée médiocre « avec un résultat et une CAF constamment négatifs jusqu’en 1998, ceci étant dû essentiellement aux charges financières ».
Ces points avaient fait l’objet d’un relevé de constatations provisoires (en date du 12 janvier 2001) par la Cour des comptes qui examinait les exercices 1992 à 1999. Ainsi la cour recommandait « un désengagement d’une activité qui n’est pas dans le cœur des missions d’une CCI… ». C’est ce même constat et ce même conseil qui sont prodigués en 2012 à l’équipe Mourrut : il n’est pas dans le cœur de mission d’une commune de gérer ce type de complexe touristique, ce qu’avait très bien compris le groupe municipal d’opposition en votant contre cette acquisition dès le début.
Le résultat, on le voit aujourd’hui, est un fiasco de gestionnaires, bien loin de la promesse ou la croyance de M. Mourrut qui prétendait en « confier la gestion à un professionnel du tourisme » ! Bonjour et merci les pros !
Dans un prochain article nous aborderons le montage financier qui a conduit à la catastrophe via un système de prêts spéculatifs et d’opérations bancaires dites de « SWAP » conclues avec la banque CALYON. Transparence, avez-vous dit ? Nous verrons qu’il s’agit plutôt d’occultisme pour les uns et, dans le meilleur des cas, d’aveuglement pour les autres.